Double Speech
   
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Double Speech

Epistre envoyée de Venize à Madame la Duchesse de Ferrare par Clement Marot

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  • blue and purple = common to both versions, but in a different context

  • NOTABENE: the textedition below is based on Defaux Oeuvres Poetiques, vol 2. So do not use as source !

 

 

BnF ms. 4967
= 99,9% ms. 337 (Harvard)
one interesting difference

 v. 40 images peints iso Pieces de bois


Receuil Montmorency

ms. Chantilly

based on Defaux II (p. 102ff)
= not trustworthy.
Full critical edition by F. Rigolot (Droz, 2010)

 

 

 

 

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Après avoir par mainctz jours visité

Ceste fameuse et antique cité,

Où tant d'honneur en pompe sumptueuse

T'a esté faict, Princesse vertueuse,

J'y ay trouvé que sa fondation

Est chose estrange et d'admiration.

Quant au surplus, ce qui en est surmonte

Ce que loing d'elle au mieulx on en racompte:

Et n'est possible à citadin mieulx faire

Pour à ce corps et à l'oeil satisfaire.

Que pleust à Dieu, ma tresillustre Dame,

Qu'autant soigneux ilz fussent de leur âme.

Certes leurs faictz quasi font assavoir

Qu'une âme au corps ilz ne cuydent avoir:

Ou s'ilz en ont, leur fantasie est telle,

Qu'elle est ainsy comme le corps mortelle.

Dont il s'ensuyt qu'ilz n'eslevent leurs yeulx

Plus hault ne loing que ces terrestres lieux,

Et que jamais espoir ne les convye

Au grand festin de l'eternelle vie.

Advient aussy que de l'amour du proche

Jamais leur cueur partial ne s'aproche:

Et si quelqu'un de l'offenser se garde,

Crainte de peine et force l'en retarde.

Mais où pourra trouver siege ne lieu

L'amour du proche où l'on n'ayme point Dieu?

Et comment peult prendre racine et croistre

L'amour de Dieu, sans premier le congnoistre?

J'ay des enfance entendu affermer

Qu’il est besoing congnoistre avant qu’aymer.

Les signes clers, qui dehors apparoissent

Pour tesmoigner que Dieu point ne congnoissent:

C’est qu’en esprit n’adorent nullement

Luy, qui est seul esprit totallement,

Ains par haulx chantz, par pompes & par mynes,

Qui est (mon Dieu) ce que tu abhomines.

Et sont encor les pouvres citoyens

Pleins de l’erreur de leurs peres payens.

Temples marbrins y font & y adorent

Images peinctz, qu’à grandz despens ilz dorent:

Et à leurs pieds, helas, sont gemissans

Les pouvres nudz, palles & languissans.

Ce sont, ce sont telles ymaiges vives

Qui de ces grans despenses excessives

Estre debv[r]oient aournées & parées,

Et de nos yeulx les autres separées.

Car l’Eternel les vives recommande.

Et de fuir les mortes nous commande.

 

Ne convient il en reprendre qu’iceulx?

Helas, Madame, ilz ne sont pas tous seulz:

De ceste erreur tant creue & foisonnée

La Chrestienté est toute empoisonnée.

Non toute, non: Le Seigneur regardant

D’oeil de pitié ce monde caphardant,

S’est faict congnoistre à une grand partie,

Qui à luy seul est ores convertie.

O Seigneur Dieu, faictz que le demourant

Ne voyse pas les pierres adorant!

C’est ung abus d’ydollastres sorty,

Entre Chrestiens plusieurs foys amorty,

Et remys sus tousjours par l’avarice

De la paillarde & grande meretrice,

Avec qui ont faict fornication

Les roys de terre, & dont la potion

Du vin public de son calice immonde

A si longtemps enyvré tout le monde.

Après avoir par mainctz jours visité

Ceste fameuse et antique cité,

Où tant d'honneur en pompe sumptueuse

T'a esté faict, Princesse vertueuse,

J'y ay trouvé que sa fondation

Est chose estrange et d'admiration.

Quant au surplus, ce qui en est surmonte

Ce que loing d'elle au mieulx on en racompte:

Et n'est possible à citadin mieulx faire

Pour à ce corps et à l'oeil satisfaire.

Que pleust à Dieu, ma tresillustre Dame,

Qu'autant soigneux ilz fussent de leur âme.

Certes leurs faictz quasi font assavoir

Qu'une âme au corps ilz ne cuydent avoir:

Ou s'ilz en ont, leur fantasie est telle,

Qu'elle est ainsy comme le corps mortelle.

Dont il s'ensuyt qu'ilz n'eslevent leurs yeulx

Plus hault ne loing que ces terrestres lieux,

Et que jamais espoir ne les convye

Au grand festin de l'eternelle vie.

Advient aussy que de l'amour du proche

Jamais leur cueur partial ne s'aproche:

Et si quelqu'un de l'offenser se garde,

Crainte de peine et force l'en retarde.

Mais où pourra trouver siege ne lieu

L'amour du proche où l'on n'ayme point Dieu?

Et comment peult prendre racine et croistre

L'amour de Dieu, sans premier le congnoistre?

J'ay des enfance entendu affermer

Qu’il est besoing congnoistre avant qu’aymer.

Les signes clers, qui dehors apparoissent

Pour tesmoigner que Dieu point ne congnoissent:

C’est que par trop grans moyens & petitz

laschent la bride à tous leurs appetitz

Si que d’iceulx certes peu d’œuvres sortent

sentans celluy duquel le nom ilz portent.

D’avoir le nom de chrestiens ont pris cure,

puis sont vivans à la loy d’Epicure,

faisant yeulx, nez & oreilles jouyr

De ce qu’on peult veoyr, sentir & ouyr

Au gré des sens, & traictant ce corps comme

Si la gisoit le dernier bien de l’homme.

D’or & d’azur, de marbres blancs & noyrs

Sont enrichis leurs temples & manoirs,

D’art de painctures & medailles dorées,

Sont à grant coust leurs maison decorées;

Et à leurs pieds, helas, sont gemissans

Les pouvres nudz, palles & languissans.

Ce sont, ce sont telles medailles vives

Qui de ces grans despenses excessives

Deussent avoir parade & ornature,

Ou pour le moins qu’en recreant Nature

de leurs manoirs en ce point erigez

N’en feussent moins les povres soulagez.

 

 

  

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Au residu, affin que ceste carte

De son propos commancé ne s’escarte,

Savoir te faiz, Princesse, que deçà

Onques rommain empereur ne dressa

Ordre publicq, s’il est bien regardé,

Plus grand, plus rond, plus beau, ne myeulx gardé.

Ce sont, pour vray, grands & saiges mondains,

Meurs en conseil, d’executer soudains:

Et ne voy rien en toutes leurs pollices

De superflu, que pompes & delices.

Tant en sont plains, que d’eulx peu d’œuvres sortent

Sentans celuy duquel le nom ilz portent.

D’avoir le nom de Chrestien ont prins cure,

Puis sont vivans à la loy d’Epicure,

Faisans yeulx, nez & oreilles jouyr

De ce qu’on peult veoir, sentir & ouyr,

Au gré des sens, & traictent ce corps comme

Si là gisoit le dernier bien de l’homme.

Mesmes parmy tant de plaisirs menus,

Trop plus qu’ailleurs y triumphe Venus.

Venus y est certes plu reverée

Qu’au temps des Grecs, en l’isle Cytherée:

Car mesme reng de reputation,

De liberté & d’estimation,

Y tient la femme esventée & publique,

Comme la chaste, honnorable & pudique.

Et sont enclins (ce disent) à aymer

Venus, d’autant qu’elle est née de mer,

Et que sur mer ilz ont naissance prise,

Disant aussy qu’ilz ont basty Venise

En mer, qui est de Venus l’heritage,

Et que pourtant ilz luy doivent hommage.

Voulà comment ce qui est deffendu

Est par deçà permis & espandu.
Si t'escriroys, Princesse, bien encores
Des Juifz, des Turcs, des Arabes et Mores,
Qu'on voit icy par trouppes chascun jour:
Quel en est l'air, quel en est le sejour:
De leurs palays et maisons autenticques,
De leurs chevaulx de bronze tres anticques,
De l'arcenal, chose digne de poix,
De leurs canaulx, de leurs mulles de boys,
Des murs salez dont leur cité est close,
De leur grant place, et de maincte autre chose..

Mais j'auroys peur de t'ennuyer, et puis

Tu l'as mieulx veu que escripre ne le puis.

Je t'escriroys aussy plus amplement

Du sage duc, et generalement

Des beaulx vieillardz: mais ma Dame et maistresse,

Tu les congnois, si font ilz ta haultesse.

Ilz savent bien que tu es, sans mentir,

Fille d'ung roy qui leur a faict sentir

Le grand pouvoir de son fort bras vainqueur,

Et la noblesse et bonté de son cueur.

Parquoy clorray ma lettre mal aornée,

Te suppliant, Princesse deux foys née,

Te souvenir, tandis qu’icy me tien,

De cestuy là que retiras pour tien

Quand il fuyoit la fureur serpentine

Des ennemys de la belle Christine.

Au residu, affin que ceste carte

De son propos commancé ne s’escarte,

Savoir te faiz, Princesse, que deçà

Onques rommain empereur ne dressa

Ordre publicq, s’il est bien regardé,

Plus grand, plus rond, plus beau, ne myeulx gardé.

Ce sont, pour vray, grands & saiges mondains,

Meurs en conseil, d’executer soudains:

Et ne voy rien en toutes leurs pollices

De superflu, que pompes & delices.

 

 

 

 

 

 

 

 

 Mesmes parmy tant de plaisirs menus,

Trop plus qu’ailleurs y triumphe Venus.

Venus y est certes plu reverée

Qu’au temps des Grecs, en l’isle Cytherée:

Car mesme reng de reputation,

90 De liberté & d’estimation,

Y tient la femme esventée & publique,

Comme la chaste, honnorable & pudique.

Et sont enclins (ce disent) à aymer

Venus, d’autant qu’elle est née de mer,

Et que sur mer ilz ont naissance prise,

Disant aussy qu’ilz ont basty Venise

En mer, qui est de Venus l’heritage,

Et que pourtant ilz luy doivent hommage.

Voulà comment ce qui est deffendu

Est par deçà permis & espandu.
Si t'escriroys, Princesse, bien encores
Des Juifz, des Turcs, des Arabes et Mores,
Qu'on voit icy par trouppes chascun jour:
Quel en est l'air, quel en est le sejour:
De leurs palays et maisons autenticques,
De leurs chevaulx de bronze tres anticques,
De l'arcenal, chose digne de poix,
De leurs canaulx, de leurs mulles de boys,
Des murs salez dont leur cité est close,
De leur grant place, et de maincte autre chose..

Mais j'auroys peur de t'ennuyer, et puis

Tu l'as mieulx veu que escripre ne le puis.

Je t'escriroys aussy plus amplement

Du sage duc, et generalement

Des beaulx vieillardz: mais ma Dame et maistresse,

Tu les congnois, si font ilz ta haultesse.

Ilz savent bien que tu es, sans mentir,

Fille d'ung roy qui leur a faict sentir

Le grand pouvoir de son fort bras vainqueur,

Et la noblesse et bonté de son cueur.

Parquoy clorray ma lettre mal aornée,

Te suppliant, Princesse deux foys née,

Te souvenir, tandis qu’icy me tien,

De cestuy là que retiras pour tien

Quand il fuyoit la fureur de les ruses

Des ennemys d’Apollo & des muses.

  

 
 

 

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